ADOLESCENCE

Revue thématique semestrielle de psychanalyse, de psychopathologie et de sciences humaines.

Résumés : Trouble de la personnalité - troubles des conduites, octobre 2000.

Acte du colloque de l’Association internationale de Psychiatrie (ISAP), juillet 1999, Aix-en-Provence.

 

 

 

JEAN BERGERET : PERSONNALITÉ ADOLESCENTE ET PROBLÈMES DITS D’HOMOSEXUALITÉ

S. Ferenczi avait dès 1911 recommandé de parler d’“ homoérotisme ” et non pas d’“ homosexualité ” car l’homophilie correspond à des fixations ou à des régressions narcissiques et non à des conflits de nature véritablement sexuels. Cette conception fondée sur la métapsychologie freudienne la plus rigoureuse s’avère des plus justifiée en ce qui concerne l’adolescence. Dans le présent exposé il est proposé au dialogue trois formes d’homoérotismes caractéristiques de l’adolescence, avec les conséquences thérapeutiques qui en découlent pour le praticien sollicité.

 

 

ALIX BERNARD : “ IL EST SÉROPOSITIF, JE SUIS SOURD, C’EST PAREIL ”

L’étude du discours de Rémi, jeune sourd homosexuel, permet de réfléchir à comment s’articulent et se co-construisent deux “ différences ” : la différence des sexes et l’appartenance à un groupe minoritaire (ici celui des sourds). Pour Rémi, avoir une relation homosexuelle avec un entendant apparaît comme une manière de se valoriser aux yeux de son père entendant (en devenant par procuration un entendant) et comme un moyen de transformer la surdité, initialement ressentie comme un manque, en objet de désir pour son partenaire.

 

 

Michel BOTBOL : ADOLESCENCE ET ATTACHEMENT

On sait la place qu’a pris le concept d’attachement en psychiatrie du bébé. En s’appuyant sur les outils de recherche qui ont fait le succès du concept, cet article se propose de montrer son application à l'adolescence.

Que signifie l’attachement à cet âge ? Y a-t-il continuité ou discontinuité des modèles d’attachement de la petite enfance à l’adolescence ? Certains de ces modèles jouent-ils un rôle dans l’émergence de processus psychopathologique à cet âge ?

Abordés à partir d’une revue de la littérature sur ce thème, l’article se conclue sur une proposition de recherche sur ces questions.

 

 

MYRIAM BOUBLI : MODES DE DÉFENSE ET DE RELATIONS D’OBJET DE TYPE AUTISTIQUE CHEZ DES ADOLESCENTS ANOREXIQUES

L’adolescente anorexique utilise des modes de défense extrêmes, proches de ceux présents chez les enfants autistes : accrochage à une sensorialité aux qualités particulières, à une sensorialité parfois démantelée, à des rythmes non libidinalisés qui permettent la fuite dans la bidimensionnalité, la négation de l’objet. La pensée, très intellectualisée, est coupée de ses racines émotionnelles et peut perdre toute créativité si ce clivage se perpétue. Ces modes de défense favorisent l’évitement de l’angoisse massive issue de la crise pubertaire, la confrontation à la génitalité.

Lors des crises de boulimie-vomissement l’angoisse devient prégnante. La sensorialité de surface s’accompagne de la sensorialité visuelle vite persécutrice en ce qu’elle laisse l’objet et les fantasmes qui lui sont liés se profiler. Les crises de boulimie sont l’expression de la réémergence, ou de l’actuelle confrontation du fait de la crise pubertaire à une relation d’objet archaïque et destructrice. Les difficultés à l’intériorisation, manifestées corporellement par les vomissements qui succèdent à l’ingestion impérieuse, en sont les manifestations encore impensables.

Dans l’anorexie et la boulimie suivie de vomissements nous avons affaire à une modification importante des modes de défense et de la relation à l’objet grâce à une reprise de contact avec une pensée non coupée de ses racines émotionnelles et sexuelles.

 

 

PAOLA CARBONE : DE L’AUTOMUTILATION À LA SOMATISATION

L’auteur cherche à propos des histoires assez symétriques d’Anne et de Claire, à mettre en évidence le rôle central de l’expérience somatique et à montrer deux modalités opposées d’attaque du corps.

L’automutilation chez la première peut être considérée comme une tentative extrême pour chercher à réaliser l’intégration psychosomatique perdue.

Le cas de la seconde, apparemment beaucoup moins grave, dans le choix même du dommage qu’elle s’inflige (une aménorrhée), nous parle d’un corps perdu, corps enveloppe, radicalement désinvesti, auquel la jeune fille semble avoir irrévocablement renoncé.

Il s’agit d’un échec du projet d’évolution dans lequel le symptôme dépasse l’expérience de l’adolescence pour pénétrer jusqu’aux fondements biologiques de la puberté.

 

 

CLAIRE CARRIER : DE L’INVESTISSEMENT SPORTIF DE HAUT NIVEAU À L’ADOLESCENCE

La performance psychomotrice sportive provoque l’individu dans son “ extrême ”, zone de fonctionnement encore inconnue de ses systèmes mnésiques en particulier. Y parvenir ou y être “ suffisamment bien ” adapté sous-entend d’une part contrôler l’anticipation du geste prévu performant et d’autre part négocier une distance correcte avec la nécessaire assistance technique et scientifique qui encadre le futur champion. L’excès de cette adaptation s’exprime par une fixation de ces deux mouvements en une dépendance voire une aliénation où, perdant son autonomie et sa faculté de penser, le sportif s’enferme dans une passivité soumise aux injonctions extérieures pouvant devenir manipulatrices, au risque d’un dopage psychologique.

Risque d’autant plus aigu lorsque notre acteur sportif se trouve dans une fragilité identitaire où dans le même temps, il est sollicité par deux processus intra-psychiques : l’adolescence déclenchée par la transformation corporelle pubertaire imposée par les lois du développement, l’investissement sportif de haut niveau déclenché par l’accès au néo-corps performant fruit de la transformation corporelle entraînée et maîtrisée par les objectifs de résultats.

À partir de dix ans d’expérience de pratique clinique auprès de sportifs de haut niveau au cours comme au décours de leur carrière, l’auteur propose une grille diagnostique à visée préventive afin de protéger notre acteur sportif d’une évolution vers des conduites addictives.

 

 

Catherine Chabert : LE PASSAGE À L’ACTE, UNE TENTATIVE DE FIGURATION ?

Au-delà des significations classiques qui leur sont attribuées - en termes de décharges pulsionnelles, d’insuffisance des capacités de contenance ou de mentalisation - les mises en actes sont susceptibles de montrer, à l’adolescence, une mobilisation psychique qui tente de maintenir et de conserver le substrat dynamique du fantasme.

Grâce à l’investissement perceptif, grâce aux mouvements pulsionnels qui les soutiennent, ces mises en actes constituent autant de tentatives pour figurer des représentations dont les traces risquent de se perdre. En ce sens, elles mettent en évidence l’attente vis-à-vis du thérapeute, attente de constructions à partir de ces actes susceptibles ultérieurement d’être pensés.

 

 

MAURICE Corcos : COMPOSANTES SOCIOCULTURELLES DANS LES CONDUITES ADDICTIVES ALIMENTAIRES et leur articulation avec une dynamique familiale

Le cadre familial dans les pathologies addictives (qui s’apparente beaucoup à celui des patients psychosomatiques), semble marqué par un déficit en possibilités identificatoires ou par un excès de contrainte qui imposerait des identifications inacceptables. Le système familial donnerait ainsi à l’extérieur une place prédominante, favorisant l’idéalisation de stéréotypes socioculturels, court-circuitant les conflits identificatoires nécessaires à la construction du sujet.

Mais, de fait, les constructions socioculturelles, à défaut d’être incarnées et donc sources de créativité, favorisent l’expression comportementale et corporelle et ne fournissent qu’un plaquage pseudo-identitaire, homogénéisateur plus que différenciateur, à l’image de ce que sera le symptôme agi. Si les actes-symptômes des adolescents demeurent l’écho trop conformiste de constructions culturelles et sociales, malgré leur anticonformisme de façade, c’est que le filtre et l’imprégnation familiale (au sens d’une généalogie, d’un sentiment de filiation), apparaissent déficients.

 

 

Michel DELAGE : FINIR L’ADOLESCENCE

Après quelques idées générales concernant la notion de post-adolescence, l’accent est mis sur la survenue possible de “ crise de maturation ” se jouant autant au plan intrapsychique que dans la dimension interactionnelle au sein d’une famille franchissant une nouvelle étape du cycle de vie.

Après quelques exemples cliniques, l’auteur insiste sur le nécessaire abord multidimentionnel des thérapies à cet âge de l’existence. Il s’agit en effet de pouvoir combiner thérapies individuelles et thérapies familiales ou de couple.

 

 

MARC DELORME : LE CONCEPT DE MORT À L’ADOLESCENCE

Le rapport à la mort de jeunes patients hospitalisés dans un contexte de crise centré sur les conduites d’agir, en particulier suicidaires, est ici interrogé.

Dans l’après coup de l’événement, l’idée, la représentation consciente de la mort, basculent du registre imaginaire tout-puissant au registre symbolique à valeur structurante. La saisie de l’événement externe par le sujet, semble instaurer la discontinuité nécessaire au renoncement à l’omnipotence narcissique pubertaire et à l’instauration d’instances idéales plus souples et mieux adaptées au monde adulte, ainsi qu’à l’appropriation d’un Surmoi protecteur.

La levée du clivage fonctionnel sous l’effet d’un événement externe marquant, permet ce basculement qui donne accès à la symbolisation et à l’élaboration de ce qui peut être dès lors traité comme une problématique de la castration, dans le travail analytique qui peut s’engager du fait de cette ouverture.

 

 

VÉRONIQUE DELVENNE : L’hospitalisation de crise pour adolescents 

Le temps de l’hospitalisation représentant une mise à distance, une mise en sens permet de dégager des pistes thérapeutiques allant de la thérapie individuelle, au soin institutionnel, en passant par les groupes ou la thérapie familiale. Il est possible d’y travailler sur la malléabilité de l’adolescent et peut-être de son environnement en espérant éviter une fixation dans la psychopathologie.

 

 

STÉPHANIE FRÉMONT : D’UNE INTERSUBJECTIVITÉ BRISÉE À LA QUÊTE DE RETROUVAILLES AVEC LE RELATIONNEL

La notion de violence peut-elle être érigée au rang de concept psychanalytique ?

À partir des travaux de Ph. Jeammet et Ph. Gutton et de l’analyse clinique d’une situation de groupe, plusieurs idées sont retenues quant à ce qui spécifie la violence :

- La violence en soi ressentie précipite la création d’un objet, venant figurer, signifier le ressenti interne.

- Dans la relation à l’autre, cet objet peut circuler, s’échanger, devenant un objet de médiation entre les adolescents, se posant tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre, désorganisant, déséquilibrant leur relation.

- L’agir violent survient lorsque l’alternance des enjeux ne peut plus se réaliser.

- Le déclenchement de la violence peut être pensé comme une tentative de passage vers plus de subjectivité.

 

 

Roland Gori : VISÉE ONTOLOGIQUE DE LA HAINE

L’auteur soutient l’hypothèse d’une visée ontologique de la haine inconsciente. À côté de la haine jalouse placée sous le signe de la rivalité avec l’intrus existerait une haine sourde et obscure qui s’adresse à l’être du sujet et de l’autre. L’objet de la haine se déduirait plus précisément de cette part de l’être soustraite à la séduction imaginaire et symbolique du savoir de l’Autre. L’objet de la haine ne concernerait pas le perdu mais l’irréalisé circonscrit comme véritable réel.

 

 

 

OLIVIER HALFON : VIOLENCE SUBIE, VIOLENCE AGIE

Quelles sont les raisons psychopathologiques qui font que l’adolescence est plus à risque de violence et à quelle structure psychopathologique cela renvoie-t-il ?

À l’aide d’une vignette clinique, les possibilités d’intervention du psychiatre d’adolescents face à la violence, seront confrontées aux difficultés de ces interventions qui, idéalement, devraient être réalisées préventivement.

Le recours à l’agir confronte les adolescents au monde adulte et prend pour eux une valeur structurante. Il faut insister sur la créativité nécessaire des structures de soins.

 

 

JEAN-YVES HAYEZ : SECRETS DE FAMILLE, CONFIDENTIALITÉ ET THÉRAPIES

Par secrets de famille nous entendrons, de façon restrictive, des éléments d’informations dont se sont appropriés un ou quelques membres de la famille, en excluant activement les autres de leur connaissance. Le secret exerce sur ceux qui en sont exclus, en particulier les enfants, une pesanteur négative spécifique ou pas. À partir des considérations cliniques, il est proposé quelques principes aux thérapeutes, à propos de la confidentialité. À l’occasion de situations précises, les procédures et leurs effets sont strictement analysés.

 

 

Serge HEFEZ : ADOLESCENCE ET SIDA : TRANSMISSION IMPOSSIBLE

La plupart des interrogations formulées par les adolescents séropositifs participant à notre groupe de parole concerne le secret qui entoure les contaminations.

Ce secret est générateur de clivages et de dénis qui protègent dans un premier temps l’adolescent comme l’ensemble de sa famille ; il se transforme cependant rapidement en un attracteur qui aspire les investissements émotionnels, qui structure un pôle vers lequel convergent les résistances du discours, et qui cristallise le dispositif défensif en une figure organisatrice de répétition et d’homéostasie.

Les mécanismes du désaveu et de sa transmission ont beaucoup été étudiés sur le plan transgénérationnel. Les situations de groupe ou d’entretien familial portent cependant notre attention sur d’autres mécanismes, à savoir les processus et les formations psychiques impliquées dans les dynamiques intergénérationnelles.

 

 

PATRICE HUERRE, CLÉMENTINE HUERRE : LA VIOLENCE JUVÉNILE

À partir d’une pratique d’expertises auprès de cent adolescents criminels et de soixante adolescents victimes, cet article présente des données socio-démographiques relatives à ces deux groupes.

L’histoire personnelle et familiale de ces jeunes manifeste des particularités qui peuvent être mises en évidence, tant au point de vue des traumatismes subis, que des manques affectifs et/ou éducatifs relevés.

Des histoires cliniques viennent éclairer particulièrement certaines problématiques souvent rencontrées. Des conséquences ressortent de cette étude permettant de souligner un certain nombre de mécanismes psychopathologiques fréquemment retrouvés et de conséquences préventives qui peuvent en découler.

 

 

AMÉLIE KIPMAN, SIMON DANIEL KIPMAN : LA CLINIQUE ÉCARTELÉE

Que l’on approche l’entité “ anorexie mentale ” par le biais de gènes candidats qui faciliteraient l’entrée dans la maladie ou que l’on retrouve, derrière le comportement stéréotypé, plusieurs types d’organisation psychique névrotique ou non, le résultat est toujours le même : seule une différenciation clinique fondée sur l’examen et les entretiens, peut permettre d’éviter des examens para-cliniques compliqués et inquiétants et de préciser une éventuelle approche thérapeutique, psychothérapique ou pédagogique.

Les auteurs arguant de la complexité des phénomènes justifient des recherches fort différentes dont les résultats “ doivent pouvoir ” être confrontés.

 

 

ALBERTO KONICHECKIS : IDENTITÉ SENSORIELLE CHEZ LE BÉBÉ ET CHEZ L’ADOLESCENT

La notion d’identité sensorielle permet de mettre en relation les expériences personnelles du bébé et de l’adolescent quant aux liens entre la psyché et le soma ainsi qu’entre le sujet et l’objet. À partir de l’observation en crèche de Chloé, jeune enfant de presque deux ans qui présentait des traits faisant craindre un syndrome de type autistique, il est apparu combien il était important pour elle de préserver une continuité sensorielle afin de pouvoir maintenir un sentiment d’exister. Dans le processus de subjectivation chez l’adolescent, par contre, il a semblé important qu’il puisse assumer une rupture, une disruption, un dérèglement et par là même accepter comme faisant partie de lui ce qu’il n’a jamais vécu auparavant. À ce propos, les expériences sensorielles du bébé et de l’adolescent semblent s’exclure mutuellement. Dans leur spécificité, elles se retrouvent même en conflit et en opposition. L’étude de l’identité sensorielle permet également d’envisager les troubles du comportement comme une recherche de sensations par l’acte et les objets concrets que l’activité psychique ne parvient pas à procurer.

 

 

DIDIER LAURU : PASSAGE À L’ACTE D’AMOUR

La bascule opérée par la rencontre sexuée de la chair de l’autre ne sera pas sans conséquence à l’adolescence. Le concept d’amour dissocié qui est proposé s’entend comme une disjonction entre l’amour tendre et l’amour sensuel. Le modèle idéalisé du courant tendre est fourni par l’amour courtois tel que les troubadours du moyen âge le pratiquaient. Tandis que la précocité de certains passages à l’acte sexuel interroge la clinique de l’acte chez ces adolescents.

 

 

ROLAND LAZAROVICI : LE RISQUE DE SUICIDE : PROBLÈMES CONTRE-TRANSFÉRENTIELCet article cherche à définir à partir des éléments repérables du contre-transfert de l’analyste les risques de l’engagement psychothérapique avec des adolescents suicidaires.

À partir de vignettes cliniques, sont brièvement évoquées : la mise en jeu du narcissisme du thérapeute ; l’importance du masochisme, des enjeux de pouvoir, de la pensée de la mort chez l’analyste comme chez l’adolescent.

La place du tiers consultant est aussi envisagée comme élément participant à la dynamique transféro-contre-transférentielle.

 

 

DIDIER LIPPE : “ LE PREMIER RAPPORT SEXUEL DE L’ADOLESCENT  MISES EN JEU…. ”

Quel que soit le moment où survient le rapport sexuel, activement désiré, passivement subi, vécu dans l’harmonie ou dans l’angoisse, trop tôt ou bien tard à son gré, il inscrit dans le corps de l’adolescent une trace psychiquement indélébile qui témoigne que quelque chose est définitivement marqué d’un temps désormais révolu, d’une enfance avec fin.

La sexualité ne se suffit plus d’être auto-érotique, et l’autre, le corps de l’autre, constitue un “ objet-source ” de désir, objet de jouissance d’abord fantasmée et à venir.

L’adolescent rencontre en même temps la solitude foncière du sujet et l’autre lui-même, l’autre en soi, l’étranger en soi, l’inconnu familier comme le méconnu, l’animal indomptable et avide (de jouir). Se trouve réactiver enfin le fantasme de retrouvailles avec la complétude originelle.

 

 

IRÈNE MAGGI : LE SECRET DE LA VIOLENCE - LA VIOLENCE DU SECRET

Si notre domaine de travail reste celui du fonctionnement psychique individuel, ceci ne nous empêche pas de nous intéresser et de nous inquiéter des problèmes sociaux qui touchent les adolescents, notamment l’acte violent et ses implications.

L’histoire inscrite sur le plan judiciaire est essentiellement une histoire écrite par les autres ; l’adolescent violent devrait pouvoir inscrire et écrire sa propre histoire, la mettre en paroles, autrement dit, la penser et la symboliser avant de la mettre en acte.

L’adolescence comporte en elle-même une violence, qui peut devenir manifeste dans les transferts massifs, rebelles aux processus de représentation et de symbolisation.

Créer dans le traitement psychanalytique cet espace de symbolisation revient à placer la violence dans une histoire.

 

 

FRANÇOIS MARTY : LE CRIME A L’ADOLESCENCE, OU LA RUPTURE DU LIEN

À partir de l’analyse de crimes commis par des adolescent(e)s sur des pairs ou des parents, on mettra en évidence l’apparition d’une rupture survenue dans le travail psychique du lien, travail qui garantit un fond permanent d’investissement des objets et qui, au moment de la puberté, permet de maintenir une continuité dans le sentiment d’existence et l’identité personnelle. Le crime d’adolescent marque la faillite (défaillance) de ce processus de lien ; l’économie narcissico-objectale se trouvant ruinée face aux excitations internes (risques de rupture qui accompagnent les transformations pubertaires) et externes (violence parentale) qui surviennent, dans ces cas-là, en excès au moment du pubertaire, créant les conditions d’un authentique traumatisme psychique. Le recours à l’acte criminel, cause (ou effet ?) d’une discontinuité radicale, échoue à transformer en représentations ce qui se projette sur les objets externes sous la forme d’un acte violent.

 

 

ANNE-LAURE SIMONNOT, I. VITRY, PHILIPPE MAZET : RÉFLEXIONS CLINIQUES SUR L’INFANTICIDE

Les auteurs relatent deux situations d’infanticides commis par des adolescents en période périnatale. Il font l’historique de la question et son état actuel pour insister sur la sensibilisation justifiée des professionnels de santé.

 

 

GIANLUIGI MONNIELLO, MAURO FERRARA, UGO SABATELLO : L’ADOLESCENT LIMITE. L’ADOLESCENT LIMITE DANS L’ESPACE INSTITUTIONNEL : HÔPITAL DE JOUR

Dans une première partie les auteurs présentent les principaux modèles théoriques et leur application dans le travail institutionnel avec les adolescents limites.

Cet article propose des thèmes de recherche clinique à partir de l’activité avec les adolescents qui se déroule dans un environnement universitaire sous trois formes d’intervention : la consultation, qui prévoit la psychothérapie individuelle et de groupe ; l’hospitalisation pour les soins pendant les crises aiguës ; l’observation en hôpital de jour. Le travail institutionnel a évolué avec le temps pour la convergence de la psychopathologie des jeunes patients, de la formation psychanalytique des membres de l’institution et des apports théoriques et cliniques plus récentes de la psychanalyse de l’adolescent.

Dans une seconde partie les réflexions proposées sur les états limites se développent en trois points : le concept de limite ; les aspects spécifiques du contre-transfert, soit le travail de figurabilité et l’auto-analyse de la part de l’analyste ; la fonction de traduction qui se réalise dans l’entre-deux du monde interne de l’adolescent et du groupe institutionnel.

Deux cas cliniques sont retenus.

En conclusion le travail institutionnel avec les adolescents limites représente encore un laboratoire thérapeutique riche pour la théorie et la pratique, à condition de rester à l’écoute de l’émergence de l’inconscient soit dans les situations individuelles, soit dans les situations de groupe.

 

 

OLIVIER OUVRY : PROJET SCOLAIRE, PROJET THÉRAPEUTIQUE ET PROJET DE VIE

À partir de deux situations cliniques d’adolescents mettant en échec leur baccalauréat, nous tentons d’établir une distinction entre deux types d’investissement pathologique du projet scolaire. Nous en explorerons les enjeux psychopathologiques et les éventuelles conséquences thérapeutiques. Cela partira de l’exploration de la notion de narcissisme, en lien avec la question de l’investissement d’un projet scolaire, et de l’apparition de la notion d’altérité à l’adolescence.

 

 

TALAT PARMAN : L’HISTOIRE D’ESPOIR

La structure familiale turque favoriserait le développement de la séduction narcissique et de l’incestualité. Il est important d’y remarquer les effets d’une difficile cohabitation de deux cultures (arabo-musulmane et turque d’origine) sur les systèmes d’alliances matrimoniales. S’inspirant de la pensée de P. C. Racamier, l’auteur analyse l’histoire de Umut, dont le prénom veut dire espoir.

 

 

GÉRARD PIRLOT : “ L’ANGLE-MORT ” DU SELF AU LANGAGE

Après avoir posé et vérifié l’hypothèse de maladies organiques (auto-immunes) à l’arrêt d’addiction, l’auteur souligne l’importance d’une approche psychanalytique et psychosomatique de l’addiction et des maladies auto-immunes, y compris pour la population de jeunes adolescents. Les addictions proviendraient (en plus des facteurs psychopathologiques déjà connus) d’un défaut de structuration du Soi (psychique) qui, dans le cas de maladies auto-immunes, ferait intervenir le Self immunitaire (intérieur non-subjectif).

Un défaut dans l’auto-référence du Soi et dans le rapport Soi/Je, pourraient ainsi déterminer une “ pathologie du Self ” laissant persister une confusion Soi psychique et Soi immunitaire.

Ces excès de défenses biologiques (immunitaires) pourrait provenir d’un “ conflit d’altérité ” (moi ou l’autre) précoce réactivé par une émotion similaire au trauma psychique “ pré-psychique ” qui a déterminé la morphogenèse de la psyché, son “ Self ” et les relations entre perception, mémoire, vie pulsionnelle et modulation (feed-back) neuro-immunitaire.

 

 

François POINSO : TROP JEUNES MÈRES

Les grossesses chez les adolescentes surviennent le plus souvent dans des contextes psychologiques et familiaux particuliers ; elles précèdent toujours des étapes maturatives. Dans ce sens la construction d’un couple parental est aléatoire. La maternité précoce remet en question les aménagements familiaux antérieurs, car habituellement c’est la grand-mère maternelle du bébé qui assure le quotidien. Certaines situations nous conduisent à proposer une hospitalisation conjointe mère-nourrisson, du fait de la carence de contenance familiale. Les identifications maternelles de ces adolescentes sont immatures, marquées par le clivage. La continuité des soins maternels est entravée par les revendications de liberté. Plus encore que l’image maternelle, volontiers insécurisante, la place du père de l’adolescente nous a semblé fragile, ne permettant pas une assise œdipienne suffisamment solide pour structurer cette jeune famille. Cependant la qualité de l’attachement entre la mère et le nourrisson est difficilement prévisible, car le pronostic reste ouvert en fonction du processus d’adolescence qui se poursuit, et aussi de l’appui que peuvent offrir entourages familial et médico-social.

 

 

FRANÇOIS RICHARD : NIVEAUX DE FONCTIONNEMENT PSYCHIQUE DIFFERENTS :

L’auteur soutient que dans les psychothérapies psychanalytiques d’adolescents, interpréter la dimension archaïque à partir de et “ par ” l’Œdipe est susceptible de métaboliser l’angoisse en investissement objectal et ainsi de contribuer à une réorganisation. La tension entre le niveau de fonctionnement psychique archaïque et celui de la névrose et de l’Œdipe est en attente de liaison par interprétation réciproque et croisée de ces deux niveaux l’un par l’autre. Il envisage une technique d’interprétation double et croisée, susceptible de transformer chacun des niveaux en cause par sa reprise élaborative du point de vue de l’autre. Il théorise son point de vue à partir de deux exemples cliniques d’adolescents très perturbés.

 

 

RENÉ Roussillon : Les enjeux de la symbolisation à l’adolescence

L’adolescence est cette crise de la survivance de la symbolisation en regard d’une pulsion à la fois inévitable et meurtrière et donc potentiellement désorganisatrice.

La symbolisation en sortira fondamentalement transformée, elle en sortira autrement fondée dans sa relation à la pulsion, elle en sortira transformée en un acte de symbolisation, acte de symbolisation qui transforme le Moi et le rapport du Moi à l’objet, au fur et à mesure qu’il s’accomplit. L’introjection pulsionnelle dans le Moi confère à la symbolisation la valeur d’un “ acte de symbolisation ”.

C’est bien ce paradoxe que l’on va retrouver au cœur des dispositifs soignants de l’adolescent et qui rend toujours si périlleuse l’entreprise, en particulier le psychodrame.

Dépasser l’opposition de l’acte et de la symbolisation, passer par l’acte de symbolisation c’est-à-dire au fond jouer pour de vrai, jouer pour le vrai, symboliser pour vivre et non symboliser à la place de vivre, jouer à la place de vivre, telle serait sans doute la leçon que l’adolescence apporte à la symbolisation.

 

 

Linda SLAMA : “ ET DIEU CRÉA LA FEMME ”

La survenue de la puberté confronte l’enfant à l’obligation d’accepter sa monosexualité biologique. Le travail psychique adolescent qui exige le renoncement à la bisexualité, peut s’avérer impossible pour certains sujets, ayant pour conséquence des conduites à l’égard de leur corps qui échappent à leur contrôle.

Dans la Bible, il est dit que l’Eternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise à l’homme. Certains adolescents peuvent se sentir à la puberté littéralement amputés d’une partie de leur corps. Derrière ce traumatisme lié à la reconnaissance de la différence des sexes, peut se cacher un traumatisme plus archaïque qui concerne la notion même d’altérité. La perte de l’autre sexe en soi implique, dans la réalité, la recherche et la dépendance à un Autre différent et complémentaire. Ce renoncement à l’omnipotence infantile peut constituer un traumatisme inélaborable à l’adolescence.

Nous illustrons notre propos par le cas d’un adolescent qui, au moment de sa puberté, a eu des conduites de travestissement incontrôlables ou de fantasmes de remodelage de son corps en corps féminin, “ véritable bombe sexuelle ” qu’il désirait être tout autant qu’avoir, et ce en dehors de toute problématique sexuelle avérée.

La réalité d’une rencontre amoureuse avec une femme a provoqué chez cet adolescent des angoisses archaïques de morcellement, de dépeçage. L’arrachement de la femme en lui, suscité par cette rencontre, s’est avérée être une tâche impossible à laquelle il a préféré renoncer devant le risque traumatique de se perdre psychiquement.

 

 

 

Marielle SŒUR : ORGANISATION PSYCHODYNAMIQUE PARTICULIÈRE DES ÉTUDIANTS EN LANGUES ÉTRANGÈRES ISSUS DE FAMILLES IMMIGRÉES

Chez les étudiants en langues étrangères issus d’immigrés, des traces traumatiques, liées aux causes de l’émigration de leurs ascendants et qu’ils ne connaissent pas, reviennent les hanter, encadrées par le fantasme originaire, désorganisateur car prévalent, du retour intra-utérin. Ces patients ont une histoire traumatique car ils n’en ont qu’une version unique, sans possibilité de varier les points de perspective, étant sous l’emprise de ce fantasme. Son temps circulaire empêche le travail du fantasme de scène primitive nécessaire à l’élaboration du processus adolescent, car les autres fantasmes originaires ne peuvent pas être élaborés dans l’après-coup de l’Œdipe qui devrait les articuler dans un roman plus vaste, associés entre eux à des degrés divers. L’auteur élabore une théorie de la technique consistant à insuffler les autres fantasmes originaires dès les entretiens d’investigation et en montre les effets thérapeutiques rapides, mais aussi l’impact positif sur les résultats universitaires. Elle évoque des axes de recherche sur le plan pédagogique et thérapeutique.

 

 

T. SUZUKI : LIEN DU TRAUMATISME SEXUEL DANS L’ENFANCE AVEC LE TROUBLE MENTAL DANS L’ADOLESCENCE

Les traumatismes sexuels au Japon sont très rarement mis en évidence et peu d’études portent sur les soins à leur apporter. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer le problème de ces adolescentes à la puberté venues en consultation pour troubles psychiques. À partir de douze cas de jeunes filles suivies en thérapie psycho-dynamique, l’auteur réfléchit sur leur capacité élaborative au sein de la relation avec un thérapeute de même sexe.

 

 

RODOLFO URRIBARRI : RAPPORTS ENTRE LES PROCESSUS DE LA PÉRIODE DE LATENCE ET D’ADOLESCENCE

Dans une première partie, ce texte reprend, sous une forme qui rappelle un enseignement, les éléments essentiels permettant de considérer la période de latence comme une forme particulière d’organisation psychique où, contrairement à ce qu’il a été longtemps soutenu, l’activité pulsionnelle ne décline pas. De cette organisation de la période de latence, dans une deuxième partie de ce texte, l’auteur dégage une forme psychopathologique particulière : la “ pseudolatence ”, qui, un peu à l’image de la notion de faux-self, vient signifier que l’enfant présente extérieurement certaines caractéristiques de cette période de la vie sans véritable engagement ni transformation pulsionnels. Dans une troisième partie du texte, l’auteur présente deux cas clinique étayant ses développements.

 

 


 

Dernière mise à jour : avril 2001

Ecrire à la revue

Retour page d'accueil Revue Adolescence