ADOLESCENCE |
Revue thématique semestrielle de psychanalyse, de psychopathologie et de sciences humaines. |
Résumés :
Trouble de la personnalité - troubles des conduites, octobre 2000. Acte
du colloque de l’Association internationale de Psychiatrie (ISAP),
juillet 1999, Aix-en-Provence.
|
S. Ferenczi avait dès 1911 recommandé de parler
d’“ homoérotisme ” et non pas d’“ homosexualité ” car
l’homophilie correspond à des fixations ou à des régressions narcissiques et
non à des conflits de nature véritablement sexuels. Cette conception fondée sur
la métapsychologie freudienne la plus rigoureuse s’avère des plus justifiée en
ce qui concerne l’adolescence. Dans le présent exposé il est proposé au
dialogue trois formes d’homoérotismes caractéristiques de l’adolescence, avec
les conséquences thérapeutiques qui en découlent pour le praticien sollicité.
ALIX
BERNARD : “ IL EST SÉROPOSITIF, JE SUIS SOURD, C’EST PAREIL ”
L’étude du discours de Rémi, jeune sourd homosexuel, permet de
réfléchir à comment s’articulent et se co-construisent deux
“ différences ” : la différence des sexes et l’appartenance à un
groupe minoritaire (ici celui des sourds). Pour Rémi, avoir une relation
homosexuelle avec un entendant apparaît comme une manière de se valoriser aux
yeux de son père entendant (en devenant par procuration un entendant) et comme
un moyen de transformer la surdité, initialement ressentie comme un manque, en
objet de désir pour son partenaire.
Michel BOTBOL : ADOLESCENCE ET ATTACHEMENT
On sait la place qu’a pris le concept d’attachement
en psychiatrie du bébé. En s’appuyant sur les outils de recherche qui ont fait
le succès du concept, cet article se propose de montrer son application à
l'adolescence.
Que signifie l’attachement à cet âge ? Y
a-t-il continuité ou discontinuité des modèles d’attachement de la petite
enfance à l’adolescence ? Certains de ces modèles jouent-ils un rôle dans
l’émergence de processus psychopathologique à cet âge ?
Abordés à partir d’une revue de la littérature sur
ce thème, l’article se conclue sur une proposition de recherche sur ces
questions.
L’adolescente anorexique
utilise des modes de défense extrêmes, proches de ceux présents chez les
enfants autistes : accrochage à une sensorialité aux qualités particulières, à
une sensorialité parfois démantelée, à des rythmes non libidinalisés qui
permettent la fuite dans la bidimensionnalité, la négation de l’objet. La
pensée, très intellectualisée, est coupée de ses racines émotionnelles et peut
perdre toute créativité si ce clivage se perpétue. Ces modes de défense
favorisent l’évitement de l’angoisse massive issue de la crise pubertaire, la
confrontation à la génitalité.
Lors des crises
de boulimie-vomissement l’angoisse devient prégnante. La sensorialité de
surface s’accompagne de la sensorialité visuelle vite persécutrice en ce
qu’elle laisse l’objet et les fantasmes qui lui sont liés se profiler. Les
crises de boulimie sont l’expression de la réémergence, ou de l’actuelle
confrontation du fait de la crise pubertaire à une relation d’objet archaïque
et destructrice. Les difficultés à l’intériorisation, manifestées
corporellement par les vomissements qui succèdent à l’ingestion impérieuse, en
sont les manifestations encore impensables.
Dans l’anorexie
et la boulimie suivie de vomissements nous avons affaire à une modification
importante des modes de défense et de la relation à l’objet grâce à une reprise
de contact avec une pensée non coupée de ses racines émotionnelles et
sexuelles.
L’auteur
cherche à propos des histoires assez symétriques d’Anne et de Claire, à mettre
en évidence le rôle central de l’expérience somatique et à montrer deux
modalités opposées d’attaque du corps.
L’automutilation chez la première peut être considérée comme une
tentative extrême pour chercher à réaliser l’intégration psychosomatique
perdue.
Le cas de la seconde, apparemment beaucoup moins grave,
dans le choix même du dommage qu’elle s’inflige (une aménorrhée), nous parle
d’un corps perdu, corps enveloppe, radicalement désinvesti, auquel la jeune
fille semble avoir irrévocablement renoncé.
Il s’agit d’un échec du projet d’évolution dans lequel le
symptôme dépasse l’expérience de l’adolescence pour pénétrer jusqu’aux fondements
biologiques de la puberté.
CLAIRE CARRIER : DE
L’INVESTISSEMENT SPORTIF DE HAUT NIVEAU À L’ADOLESCENCE
La
performance psychomotrice sportive provoque l’individu dans son
“ extrême ”, zone de fonctionnement encore inconnue de ses systèmes
mnésiques en particulier. Y parvenir ou y être “ suffisamment bien ”
adapté sous-entend d’une part contrôler l’anticipation du geste prévu
performant et d’autre part négocier une distance correcte avec la nécessaire
assistance technique et scientifique qui encadre le futur champion. L’excès de
cette adaptation s’exprime par une fixation de ces deux mouvements en une
dépendance voire une aliénation où, perdant son autonomie et sa faculté de
penser, le sportif s’enferme dans une passivité soumise aux injonctions extérieures
pouvant devenir manipulatrices, au risque d’un dopage psychologique.
Risque
d’autant plus aigu lorsque notre acteur sportif se trouve dans une fragilité
identitaire où dans le même temps, il est sollicité par deux processus
intra-psychiques : l’adolescence déclenchée par la transformation
corporelle pubertaire imposée par les lois du développement, l’investissement
sportif de haut niveau déclenché par l’accès au néo-corps performant fruit de
la transformation corporelle entraînée et maîtrisée par les objectifs de
résultats.
À partir de
dix ans d’expérience de pratique clinique auprès de sportifs de haut niveau au
cours comme au décours de leur carrière, l’auteur propose une grille
diagnostique à visée préventive afin de protéger notre acteur sportif d’une
évolution vers des conduites addictives.
Catherine Chabert : LE PASSAGE À L’ACTE, UNE TENTATIVE DE FIGURATION ?
Au-delà des significations classiques qui leur sont
attribuées - en termes de décharges pulsionnelles, d’insuffisance des capacités
de contenance ou de mentalisation - les mises en actes sont susceptibles
de montrer, à l’adolescence, une mobilisation psychique qui tente de maintenir
et de conserver le substrat dynamique du fantasme.
Grâce à l’investissement perceptif, grâce aux mouvements pulsionnels
qui les soutiennent, ces mises en actes constituent autant de tentatives pour
figurer des représentations dont les traces risquent de se perdre. En ce sens,
elles mettent en évidence l’attente vis-à-vis du thérapeute, attente de
constructions à partir de ces actes susceptibles ultérieurement d’être pensés.
MAURICE Corcos : COMPOSANTES SOCIOCULTURELLES DANS LES CONDUITES ADDICTIVES ALIMENTAIRES
et leur articulation avec une dynamique
familiale
Le
cadre familial dans les pathologies addictives (qui s’apparente beaucoup à
celui des patients psychosomatiques), semble marqué par un déficit en
possibilités identificatoires ou par un excès de contrainte qui imposerait des
identifications inacceptables. Le système familial donnerait ainsi à
l’extérieur une place prédominante, favorisant l’idéalisation de stéréotypes
socioculturels, court-circuitant les conflits identificatoires nécessaires à la
construction du sujet.
Mais,
de fait, les constructions socioculturelles, à défaut d’être incarnées et donc
sources de créativité, favorisent l’expression comportementale et corporelle et
ne fournissent qu’un plaquage pseudo-identitaire, homogénéisateur plus que
différenciateur, à l’image de ce que sera le symptôme agi. Si les
actes-symptômes des adolescents demeurent l’écho trop conformiste de
constructions culturelles et sociales, malgré leur anticonformisme de façade,
c’est que le filtre et l’imprégnation familiale (au sens d’une généalogie, d’un
sentiment de filiation), apparaissent déficients.
Michel
DELAGE : FINIR L’ADOLESCENCE
Après quelques idées générales concernant la notion de
post-adolescence, l’accent est mis sur la survenue possible de “ crise de
maturation ” se jouant autant au plan intrapsychique que dans la dimension
interactionnelle au sein d’une famille franchissant une nouvelle étape du cycle
de vie.
Après quelques exemples cliniques, l’auteur insiste sur
le nécessaire abord multidimentionnel des thérapies à cet âge de l’existence.
Il s’agit en effet de pouvoir combiner thérapies individuelles et thérapies
familiales ou de couple.
MARC DELORME : LE
CONCEPT DE MORT À L’ADOLESCENCE
Le rapport à la mort de
jeunes patients hospitalisés dans un contexte de crise centré sur les conduites
d’agir, en particulier suicidaires, est ici interrogé.
Dans l’après coup de l’événement, l’idée, la représentation
consciente de la mort, basculent du registre imaginaire tout-puissant au
registre symbolique à valeur structurante. La saisie de l’événement externe par
le sujet, semble instaurer la discontinuité nécessaire au renoncement à
l’omnipotence narcissique pubertaire et à l’instauration d’instances idéales
plus souples et mieux adaptées au monde adulte, ainsi qu’à l’appropriation d’un
Surmoi protecteur.
La levée du clivage fonctionnel sous l’effet d’un événement externe
marquant, permet ce basculement qui donne accès à la symbolisation et à
l’élaboration de ce qui peut être dès lors traité comme une problématique de la
castration, dans le travail analytique qui peut s’engager du fait de cette
ouverture.
VÉRONIQUE
DELVENNE : L’hospitalisation de
crise pour adolescents
Le temps de l’hospitalisation représentant une mise à
distance, une mise en sens permet de dégager des pistes thérapeutiques allant
de la thérapie individuelle, au soin institutionnel, en passant par les groupes
ou la thérapie familiale. Il est possible d’y travailler sur la malléabilité de
l’adolescent et peut-être de son environnement en espérant éviter une fixation
dans la psychopathologie.
STÉPHANIE FRÉMONT :
D’UNE INTERSUBJECTIVITÉ BRISÉE À LA QUÊTE DE RETROUVAILLES AVEC LE RELATIONNEL
La notion de violence peut-elle être érigée au rang
de concept psychanalytique ?
À partir des travaux de Ph. Jeammet et Ph. Gutton et
de l’analyse clinique d’une situation de groupe, plusieurs idées sont retenues
quant à ce qui spécifie la violence :
- La violence en soi ressentie précipite la
création d’un objet, venant figurer, signifier le ressenti interne.
- Dans la relation à l’autre, cet objet peut
circuler, s’échanger, devenant un objet de médiation entre les adolescents, se
posant tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre, désorganisant, déséquilibrant leur
relation.
- L’agir violent survient lorsque l’alternance des
enjeux ne peut plus se réaliser.
- Le déclenchement de la violence peut être pensé comme une tentative
de passage vers plus de subjectivité.
Roland Gori : VISÉE ONTOLOGIQUE DE LA HAINE
L’auteur soutient l’hypothèse d’une visée ontologique de la haine
inconsciente. À côté de la haine jalouse placée sous le signe de la rivalité
avec l’intrus existerait une haine sourde et obscure qui s’adresse à l’être du
sujet et de l’autre. L’objet de la haine se déduirait plus précisément de cette
part de l’être soustraite à la séduction imaginaire et symbolique du savoir de
l’Autre. L’objet de la haine ne concernerait pas le perdu mais l’irréalisé
circonscrit comme véritable réel.
OLIVIER HALFON :
VIOLENCE SUBIE, VIOLENCE AGIE
Quelles sont les raisons psychopathologiques qui font que
l’adolescence est plus à risque de violence et à quelle structure
psychopathologique cela renvoie-t-il ?
À l’aide d’une vignette clinique, les possibilités
d’intervention du psychiatre d’adolescents face à la violence, seront
confrontées aux difficultés de ces interventions qui, idéalement, devraient
être réalisées préventivement.
Le recours à l’agir confronte les adolescents au monde
adulte et prend pour eux une valeur structurante. Il faut insister sur la
créativité nécessaire des structures de soins.
JEAN-YVES HAYEZ : SECRETS DE FAMILLE,
CONFIDENTIALITÉ ET THÉRAPIES
Par secrets de famille nous entendrons, de façon
restrictive, des éléments d’informations dont se sont appropriés un ou quelques
membres de la famille, en excluant activement les autres de leur connaissance.
Le secret exerce sur ceux qui en sont exclus, en particulier les enfants, une
pesanteur négative spécifique ou pas. À partir des considérations cliniques, il
est proposé quelques principes aux thérapeutes, à propos de la confidentialité.
À l’occasion de situations précises, les procédures et leurs effets sont
strictement analysés.
Serge
HEFEZ : ADOLESCENCE ET SIDA : TRANSMISSION IMPOSSIBLE
La plupart des interrogations formulées par les
adolescents séropositifs participant à notre groupe de parole concerne le
secret qui entoure les contaminations.
Ce secret est générateur de clivages et de dénis qui
protègent dans un premier temps l’adolescent comme l’ensemble de sa
famille ; il se transforme cependant rapidement en un attracteur qui aspire
les investissements émotionnels, qui structure un pôle vers lequel convergent
les résistances du discours, et qui cristallise le dispositif défensif en une
figure organisatrice de répétition et d’homéostasie.
Les mécanismes du désaveu et de sa transmission ont
beaucoup été étudiés sur le plan transgénérationnel. Les situations de groupe
ou d’entretien familial portent cependant notre attention sur d’autres
mécanismes, à savoir les processus et les formations psychiques impliquées dans
les dynamiques intergénérationnelles.
PATRICE
HUERRE, CLÉMENTINE HUERRE : LA VIOLENCE JUVÉNILE
À partir
d’une pratique d’expertises auprès de cent adolescents criminels et de soixante
adolescents victimes, cet article présente des données socio-démographiques
relatives à ces deux groupes.
L’histoire
personnelle et familiale de ces jeunes manifeste des particularités qui peuvent
être mises en évidence, tant au point de vue des traumatismes subis, que des
manques affectifs et/ou éducatifs relevés.
Des
histoires cliniques viennent éclairer particulièrement certaines problématiques
souvent rencontrées. Des conséquences ressortent de cette étude permettant de
souligner un certain nombre de mécanismes psychopathologiques fréquemment
retrouvés et de conséquences préventives qui peuvent en découler.
AMÉLIE KIPMAN, SIMON DANIEL
KIPMAN : LA CLINIQUE ÉCARTELÉE
Que l’on approche l’entité “ anorexie mentale ”
par le biais de gènes candidats qui faciliteraient l’entrée dans la maladie ou que
l’on retrouve, derrière le comportement stéréotypé, plusieurs types
d’organisation psychique névrotique ou non, le résultat est toujours le
même : seule une différenciation clinique fondée sur l’examen et les
entretiens, peut permettre d’éviter des examens para-cliniques compliqués et
inquiétants et de préciser une éventuelle approche thérapeutique,
psychothérapique ou pédagogique.
Les auteurs arguant de la complexité des phénomènes
justifient des recherches fort différentes dont les résultats “ doivent
pouvoir ” être confrontés.
ALBERTO KONICHECKIS :
IDENTITÉ SENSORIELLE CHEZ LE BÉBÉ ET CHEZ L’ADOLESCENT
La notion d’identité sensorielle permet de mettre en relation les
expériences personnelles du bébé et de l’adolescent quant aux liens entre la
psyché et le soma ainsi qu’entre le sujet et l’objet. À partir de l’observation
en crèche de Chloé, jeune enfant de presque deux ans qui présentait des traits
faisant craindre un syndrome de type autistique, il est apparu combien il était
important pour elle de préserver une continuité sensorielle afin de pouvoir
maintenir un sentiment d’exister. Dans le processus de subjectivation chez
l’adolescent, par contre, il a semblé important qu’il puisse assumer une
rupture, une disruption, un dérèglement et par là même accepter comme faisant
partie de lui ce qu’il n’a jamais vécu auparavant. À ce propos, les expériences
sensorielles du bébé et de l’adolescent semblent s’exclure mutuellement. Dans
leur spécificité, elles se retrouvent même en conflit et en opposition. L’étude
de l’identité sensorielle permet également d’envisager les troubles du
comportement comme une recherche de sensations par l’acte et les objets
concrets que l’activité psychique ne parvient pas à procurer.
La bascule opérée par la
rencontre sexuée de la chair de l’autre ne sera pas sans conséquence à
l’adolescence. Le concept d’amour dissocié qui est proposé s’entend comme une
disjonction entre l’amour tendre et l’amour sensuel. Le modèle idéalisé du
courant tendre est fourni par l’amour courtois tel que les troubadours du moyen
âge le pratiquaient. Tandis que la précocité de certains passages à l’acte
sexuel interroge la clinique de l’acte chez ces adolescents.
ROLAND
LAZAROVICI : LE RISQUE DE SUICIDE : PROBLÈMES
CONTRE-TRANSFÉRENTIELCet article cherche
à définir à partir des éléments repérables du contre-transfert de l’analyste
les risques de l’engagement psychothérapique avec des adolescents suicidaires.
À partir de vignettes cliniques, sont brièvement évoquées :
la mise en jeu du narcissisme du thérapeute ; l’importance du masochisme,
des enjeux de pouvoir, de la pensée de la mort chez l’analyste comme chez
l’adolescent.
La place du tiers consultant est aussi envisagée comme
élément participant à la dynamique transféro-contre-transférentielle.
DIDIER LIPPE : “ LE
PREMIER RAPPORT SEXUEL DE L’ADOLESCENT MISES EN JEU…. ”
Quel que soit le moment où survient le rapport sexuel, activement désiré,
passivement subi, vécu dans l’harmonie ou dans l’angoisse, trop tôt ou bien
tard à son gré, il inscrit dans le corps de l’adolescent une trace
psychiquement indélébile qui témoigne que quelque chose est définitivement
marqué d’un temps désormais révolu, d’une enfance avec fin.
La sexualité ne se suffit plus d’être auto-érotique, et
l’autre, le corps de l’autre, constitue un “ objet-source ” de désir,
objet de jouissance d’abord fantasmée et à venir.
L’adolescent rencontre en même temps la solitude foncière du sujet et
l’autre lui-même, l’autre en soi, l’étranger en soi, l’inconnu familier comme
le méconnu, l’animal indomptable et avide (de jouir). Se trouve réactiver enfin
le fantasme de retrouvailles avec la complétude originelle.
IRÈNE MAGGI : LE SECRET
DE LA VIOLENCE - LA VIOLENCE DU SECRET
Si notre domaine de travail reste celui du fonctionnement
psychique individuel, ceci ne nous empêche pas de nous intéresser et de nous
inquiéter des problèmes sociaux qui touchent les adolescents, notamment l’acte
violent et ses implications.
L’histoire inscrite sur le plan judiciaire est essentiellement une
histoire écrite par les autres ; l’adolescent violent devrait pouvoir
inscrire et écrire sa propre histoire, la mettre en paroles, autrement dit, la
penser et la symboliser avant de la mettre en acte.
L’adolescence comporte en elle-même une violence, qui
peut devenir manifeste dans les transferts massifs, rebelles aux processus de
représentation et de symbolisation.
Créer dans le traitement psychanalytique cet espace de
symbolisation revient à placer la violence dans une histoire.
FRANÇOIS MARTY : LE
CRIME A L’ADOLESCENCE, OU LA RUPTURE DU LIEN
À partir de l’analyse de crimes commis par des adolescent(e)s sur des
pairs ou des parents, on mettra en évidence l’apparition d’une rupture survenue
dans le travail psychique du lien, travail qui garantit un fond permanent
d’investissement des objets et qui, au moment de la puberté, permet de
maintenir une continuité dans le sentiment d’existence et l’identité
personnelle. Le crime d’adolescent marque la faillite (défaillance) de ce
processus de lien ; l’économie narcissico-objectale se trouvant ruinée
face aux excitations internes (risques de rupture qui accompagnent les transformations
pubertaires) et externes (violence parentale) qui surviennent, dans ces cas-là,
en excès au moment du pubertaire, créant les conditions d’un authentique
traumatisme psychique. Le recours à l’acte criminel, cause (ou effet ?)
d’une discontinuité radicale, échoue à transformer en représentations ce qui se
projette sur les objets externes sous la forme d’un acte violent.
ANNE-LAURE SIMONNOT, I.
VITRY, PHILIPPE MAZET : RÉFLEXIONS CLINIQUES SUR L’INFANTICIDE
Les auteurs relatent deux situations d’infanticides
commis par des adolescents en période périnatale. Il font l’historique de la
question et son état actuel pour insister sur la sensibilisation justifiée des
professionnels de santé.
Dans une première partie les auteurs présentent les principaux
modèles théoriques et leur application dans le travail institutionnel avec les
adolescents limites.
Cet article propose des thèmes de recherche clinique à partir de
l’activité avec les adolescents qui se déroule dans un environnement
universitaire sous trois formes d’intervention : la consultation, qui
prévoit la psychothérapie individuelle et de groupe ; l’hospitalisation
pour les soins pendant les crises aiguës ; l’observation en hôpital de
jour. Le travail institutionnel a évolué avec le temps pour la convergence de
la psychopathologie des jeunes patients, de la formation psychanalytique des
membres de l’institution et des apports théoriques et cliniques plus récentes
de la psychanalyse de l’adolescent.
Dans une seconde partie les réflexions proposées sur les états
limites se développent en trois points : le concept de limite ; les
aspects spécifiques du contre-transfert, soit le travail de figurabilité et
l’auto-analyse de la part de l’analyste ; la fonction de traduction qui se
réalise dans l’entre-deux du monde interne de l’adolescent et du groupe
institutionnel.
Deux cas cliniques sont retenus.
En conclusion le travail institutionnel avec les adolescents limites
représente encore un laboratoire thérapeutique riche pour la théorie et la
pratique, à condition de rester à l’écoute de l’émergence de l’inconscient soit
dans les situations individuelles, soit dans les situations de groupe.
OLIVIER
OUVRY : PROJET SCOLAIRE, PROJET THÉRAPEUTIQUE ET PROJET DE VIE
À partir de deux situations cliniques d’adolescents
mettant en échec leur baccalauréat, nous tentons d’établir une distinction
entre deux types d’investissement pathologique du projet scolaire. Nous en
explorerons les enjeux psychopathologiques et les éventuelles conséquences
thérapeutiques. Cela partira de l’exploration de la notion de narcissisme, en
lien avec la question de l’investissement d’un projet scolaire, et de
l’apparition de la notion d’altérité à l’adolescence.
TALAT PARMAN : L’HISTOIRE D’ESPOIR
La structure familiale turque favoriserait le
développement de la séduction narcissique et de l’incestualité. Il est
important d’y remarquer les effets d’une difficile cohabitation de deux
cultures (arabo-musulmane et turque d’origine) sur les systèmes d’alliances
matrimoniales. S’inspirant de la pensée de P. C. Racamier, l’auteur analyse
l’histoire de Umut, dont le prénom veut dire espoir.
GÉRARD PIRLOT :
“ L’ANGLE-MORT ” DU SELF AU LANGAGE
Après avoir posé
et vérifié l’hypothèse de maladies organiques (auto-immunes) à l’arrêt
d’addiction, l’auteur souligne l’importance d’une approche psychanalytique et
psychosomatique de l’addiction et des maladies auto-immunes, y compris pour la
population de jeunes adolescents. Les addictions proviendraient (en plus des
facteurs psychopathologiques déjà connus) d’un défaut de structuration du Soi
(psychique) qui, dans le cas de maladies auto-immunes, ferait intervenir le
Self immunitaire (intérieur non-subjectif).
Un défaut dans
l’auto-référence du Soi et dans le rapport Soi/Je, pourraient ainsi déterminer
une “ pathologie du Self ” laissant persister une confusion Soi
psychique et Soi immunitaire.
Ces excès de défenses biologiques
(immunitaires) pourrait provenir d’un “ conflit d’altérité ” (moi ou
l’autre) précoce réactivé par une émotion similaire au trauma psychique
“ pré-psychique ” qui a déterminé la morphogenèse de la psyché, son “ Self ”
et les relations entre perception, mémoire, vie pulsionnelle et modulation
(feed-back) neuro-immunitaire.
François POINSO : TROP JEUNES MÈRES
FRANÇOIS
RICHARD : NIVEAUX DE FONCTIONNEMENT PSYCHIQUE DIFFERENTS :
L’auteur soutient que dans les psychothérapies
psychanalytiques d’adolescents, interpréter la dimension archaïque à partir de
et “ par ” l’Œdipe est
susceptible de métaboliser l’angoisse en investissement objectal et ainsi de
contribuer à une réorganisation. La tension entre le niveau de fonctionnement
psychique archaïque et celui de la névrose et de l’Œdipe est en attente de liaison par interprétation réciproque
et croisée de ces deux niveaux l’un par l’autre. Il envisage une technique
d’interprétation double et croisée, susceptible de transformer chacun des
niveaux en cause par sa reprise élaborative du point de vue de l’autre. Il
théorise son point de vue à partir de deux exemples cliniques d’adolescents
très perturbés.
RENÉ Roussillon :
Les enjeux de la symbolisation à
l’adolescence
L’adolescence est cette crise de la survivance de la symbolisation
en regard d’une pulsion à la fois inévitable et meurtrière et donc
potentiellement désorganisatrice.
La symbolisation en sortira fondamentalement transformée,
elle en sortira autrement fondée dans sa relation à la pulsion, elle en sortira
transformée en un acte de symbolisation, acte de symbolisation qui transforme
le Moi et le rapport du Moi à l’objet, au fur et à mesure qu’il s’accomplit.
L’introjection pulsionnelle dans le Moi confère à la symbolisation la valeur
d’un “ acte de symbolisation ”.
C’est bien ce paradoxe que l’on va retrouver au cœur des
dispositifs soignants de l’adolescent et qui rend toujours si périlleuse
l’entreprise, en particulier le psychodrame.
Dépasser l’opposition de l’acte et de la symbolisation,
passer par l’acte de symbolisation c’est-à-dire au fond jouer pour de vrai,
jouer pour le vrai, symboliser pour vivre et non symboliser à la place de
vivre, jouer à la place de vivre, telle serait sans doute la leçon que
l’adolescence apporte à la symbolisation.
Linda
SLAMA : “ ET DIEU CRÉA LA FEMME ”
La survenue de la puberté
confronte l’enfant à l’obligation d’accepter sa monosexualité biologique. Le
travail psychique adolescent qui exige le renoncement à la bisexualité, peut
s’avérer impossible pour certains sujets, ayant pour conséquence des conduites
à l’égard de leur corps qui échappent à leur contrôle.
Dans la Bible, il est dit
que l’Eternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise à l’homme.
Certains adolescents peuvent se sentir à la puberté littéralement amputés d’une
partie de leur corps. Derrière ce traumatisme lié à la reconnaissance de la
différence des sexes, peut se cacher un traumatisme plus archaïque qui concerne
la notion même d’altérité. La perte de l’autre sexe en soi implique, dans la
réalité, la recherche et la dépendance à un Autre différent et complémentaire.
Ce renoncement à l’omnipotence infantile peut constituer un traumatisme
inélaborable à l’adolescence.
Nous illustrons notre
propos par le cas d’un adolescent qui, au moment de sa puberté, a eu des
conduites de travestissement incontrôlables ou de fantasmes de remodelage de
son corps en corps féminin, “ véritable bombe sexuelle ” qu’il
désirait être tout autant qu’avoir, et ce en dehors de toute problématique
sexuelle avérée.
La réalité d’une rencontre amoureuse avec une femme a provoqué chez
cet adolescent des angoisses archaïques de morcellement, de dépeçage.
L’arrachement de la femme en lui, suscité par cette rencontre, s’est avérée
être une tâche impossible à laquelle il a préféré renoncer devant le risque
traumatique de se perdre psychiquement.
Chez les
étudiants en langues étrangères issus d’immigrés, des traces traumatiques,
liées aux causes de l’émigration de leurs ascendants et qu’ils ne connaissent
pas, reviennent les hanter, encadrées par le fantasme originaire,
désorganisateur car prévalent, du retour intra-utérin. Ces patients ont une
histoire traumatique car ils n’en ont qu’une version unique, sans possibilité
de varier les points de perspective, étant sous l’emprise de ce fantasme. Son
temps circulaire empêche le travail du fantasme de scène primitive nécessaire à
l’élaboration du processus adolescent, car les autres fantasmes originaires ne
peuvent pas être élaborés dans l’après-coup de l’Œdipe qui devrait les
articuler dans un roman plus vaste, associés entre eux à des degrés divers.
L’auteur élabore une théorie de la technique consistant à insuffler les autres
fantasmes originaires dès les entretiens d’investigation et en montre les
effets thérapeutiques rapides, mais aussi l’impact positif sur les résultats
universitaires. Elle évoque des axes de recherche sur le plan pédagogique et
thérapeutique.
T. SUZUKI : LIEN DU
TRAUMATISME SEXUEL DANS L’ENFANCE AVEC LE TROUBLE MENTAL DANS L’ADOLESCENCE
Les traumatismes sexuels
au Japon sont très rarement mis en évidence et peu d’études portent sur les
soins à leur apporter. Toutefois, nous ne pouvons pas ignorer le problème de
ces adolescentes à la puberté venues en consultation pour troubles psychiques.
À partir de douze cas de jeunes filles suivies en thérapie psycho-dynamique,
l’auteur réfléchit sur leur capacité élaborative au sein de la relation avec un
thérapeute de même sexe.
RODOLFO URRIBARRI :
RAPPORTS ENTRE LES PROCESSUS DE LA PÉRIODE DE LATENCE ET D’ADOLESCENCE
Dans une première partie,
ce texte reprend, sous une forme qui rappelle un enseignement, les éléments
essentiels permettant de considérer la période de latence comme une forme
particulière d’organisation psychique où, contrairement à ce qu’il a été
longtemps soutenu, l’activité pulsionnelle ne décline pas. De cette
organisation de la période de latence, dans une deuxième partie de ce texte, l’auteur
dégage une forme psychopathologique particulière : la
“ pseudolatence ”, qui, un peu à l’image de la notion de faux-self,
vient signifier que l’enfant présente extérieurement certaines caractéristiques
de cette période de la vie sans véritable engagement ni transformation
pulsionnels. Dans une troisième partie du texte, l’auteur présente deux cas
clinique étayant ses développements.
Dernière mise à jour : avril 2001 |
|